Histoire

Histoire de l’Automobile Club du Périgord (1886-1914)

1886 à 1914

De tout temps les gens ont aimé voyager. L’ivresse du dépaysement et la joie de la découverte étaient au rendez-vous. En 1886 nait un des premiers clubs de voitures à… Périgueux.

C’était en 1886, l’auto n’avait pas encore fait son apparition dans le monde des sports ; à peine la devinait-on dans un lointain horizon ; seule la fée bicyclette régnait et, sous ses auspices, par une belle soirée d’été le 23 juillet à Périgueux Monsieur Bertin et un groupe cycle-sportif fondèrent le Véloce-Club Périgourdin.

Le comte Félix de Fayolle en fut le président des 1890 et, tous les ans, il fut réélu président du Club par l’Assemblée générale des sociétaires jusqu’à sa mort en 1923.

Parmi les pionniers de la première heure, nous relevons des noms prestigieux notamment Messieurs Soymier, Goursat (Sem), Roudeau, Rousset (le père Rousset), Escande, Dusseaux, Laforest, Maze, Pradier puis vinrent Messieurs Lagrange (Georges), de Nervaux, Requier, Didon, Buffeteau, Berton, Kintzel, Dr Faure.

Modestes furent les débuts du nouveau club ; on s’installa petitement dans un local de maigre apparence, au n°3 de la rue Gambetta. Un écriteau prévenait : « Au rez-de-chaussée, porte à droite en entrant ».

Le siège social une fois installé, on songea, point capital, à créer un organe officiel et on créa l’Echo Vélo, illustré de dessins, à la plume s’il vous plait, de charges et de bons mots.

Il se qualifia : « Journal indépendant paraissant quelquefois ». Il portait, en manchette, cet avis suave : « Les rédacteurs étant souvent sortis pour affaires, prière de mettre les communications dans la boite aux lettres ». L’Echo avait deux page, il était tiré à la polycopie… quand il paraissait.

Les sorties furent à l’ordre du jour, modeste comme le club, avec pour points de direction, les quatre points cardinaux autour de Périgueux.

Vers l’Est, il y eut le tour de Trélissac et celui d’Antonne (24Km) pour le début ; plus tard, on alla jusqu’à Cubjac (39Km), on poussa même jusqu’à Excideuil et retour par la vallée de l’Auvézère (90Km) ; au delà c’était quelque chose comme la « terra incognita » des grands explorateurs! 

Vers l’Ouest, on avait le tour de Razac, le tour de Saint-Astier (38Km), et le grand tour de Mussidan avec retour par Ribérac (100Km), mais c’était pour les as.

Le Nord et le Sud étaient moins courus à cause… des montées. Les automobilistes en herbe n’avaient pas de démultiplications, puis -pourquoi ne pas le dire- les montées venant après les bons déjeuner, ça ne valait rien pour les pneus !

Or, nous étions en pays du Périgord ! Aujourd’hui comme autrefois pays des bons pâtés, lièvres, perdreaux, truffes, foie, pays de la bonne chère, du Bournat et des gais propos. Aussi, les vécépéens de jadis connaissaient-ils à fonds les environs de leur capital et surtout… ses bons coins, moins les montées.

En 1895, un grand événement se produisit : une fée nouvelle, l’Auto, timidement entrebâilla la porte du V.C.P et demanda si elle ne pourrait pas entrer ? Saisissement !

Mais la fée était si discrète, si avenante, ma foi, qu’on l’invita à une grande sortie, la plus grande qui ait été faite jusqu’alors ; Condat, les bords de la Vézère et retour par Le Bugue avec réception par le marquis de Fleurieux en son moyenâgeux château de Marzac haut perché sur un rocher à pic surplombant la Vézère.

Une revue bordelaise, le Véloce-Sport,dans son numéro du 15 août 1895, annonça la nouvelle en informant ses lecteurs que « Les voitures automobiles étaient admises dans la caravane » et la même revue publia, dans son numéro du 10 octobre suivant, la relation de l’excursion sous les signatures Buffeteau-Didon. Par la vallée de la Vézère et le château de Marzac, la « Fée automobile faisait son entré au Véloce-Club Périgourdin ! ».

Il est à croire qu’elle s’y plut, car nous voyons en 1898 la nouvelle venue s’y installer officiellement et le V.C.P devenir le « Véloce Club Périgourdin – Automobile Club de la Dordogne ». La même année, la première course automobile Périgueux-Bergerac-Le Bugue-Périgueux fut organisé.

Peu à peu, la bicyclette disparaissait pour faire place à l’auto ! En cette fin du XIXe, le Périgord pouvait s’honorer de figurer parmi les 17 premiers automobiles-clubs.

Au cours de cette évolution et particulièrement à partir de 1898, l’importance du club, son activité, le nombre de ses adhérents progressèrent sensiblement ; son siège social, trop à l’étroit dans le petit local de la rue Gambette, fut transporté à l’hôtel Didon où notre secrétaire général d’alors, Monsieur Didon, lui donna une large et précieuse hospitalité. 

De nouveau en 1899, les bolides reprirent la route pour une grande course Bordeaux-Périgueux, puis retour à Bordeaux.

En 1900, le 3 et 4 juin, eut lieu à Périgueux, le « Congrés Automobile » organisé par l’Automobile Club de la Dordogne et l’Automobile Club Bordelais avec le concours des villes de Bordeaux et de Périgueux.

Nombreuses autos, réceptions, le congrès s’ouvrit le dimanche 3 juin, à 14h30, au théâtre sous la présidence du maire de Périgueux, Monsieur Ernest Guillier. Il fut suivi d’une exposition agrémentée de concours d’élégance, gymkana, musique militaire, toute la lyre, et se termina par un traditionnel et classique banquet sous le présidence du comte de Fayolle, président de l’A.C.D., suivi de discours, félicitations, congratulations officielles, lunch. Tout alla bien.

La presse en publia, conformément à l’usage, de sensationnels comptes rendus.

« L’Echo Vélo » avait cessé de paraître à cette époque de transition et le club n’était pas encore pourvu d’un nouvel organe officiel ; cette lacune regrettable, surtout par temps de congés, fut comblée deux ans plus tard.

Le 1er janvier 1903, en effet, paraissait le premier numéro d’une revue de luxe sortant des presses de la maison Ronteix de Périgueux.

Elle donnera connaissance des faits du jour, échos d’excursions, courses, mondanités, articles originaux et articles de fond abordant toutes les questions intéressant l’automobiliste et les sports, elle contiendra des dessins humoristiques, croquis en tous genres, charges et photos, tout un programme que nous verrons s’étendre et se développer au cours des années qui vont suivre.

Cette année 1903 fut marquée par la course Paris-Madrid qui après l’accident mortel de Louis Renault fut stoppée à Bordeaux. Aux Quatre Pavillons, près de l’arrivée, un concurrent malheureux put être remorqué jusqu’à l’arrivée à Bordeaux par le président, le comte de Fayolle.

Une revue particulièrement bien montée, et qui à cette époque fit sensation, fut donnée le 21 février 1906 sur la scène du théâtre de Périgueux, mise gracieusement à disposition par la municipalité.

Elle avait pour titre : « Le pneu péri… gordien », revue locale et automobilesque à « 120 à l’heure » en deux actes, de René Herbey et Pierre Gilles.

Les librettistes n’étaient autres que René Berton, poète et chansonnier, et Pierre Gilles Lagrange, ami des muses en même temps qu’enragé sportsman.

Librettistes et interprètes étaient tous membres actifs du V.C.P-A.C.D.

Chaque arrivant recevait un programme artistique spirituellement illustré par leur collègue sarladais Lucien de Malleville, bien connu à Paris sous le pseudonyme de Luc Ullus ; la soirée y fut, dit-on charmante.

Mais dans ce brillant décor, qu’était donc devenue dame bicyclette ? Dame bicyclette ? -disparue- ; on ne la revit plus !

En 1906, un des plus beaux voyages conduisait nos acépéens dans la Sarthe pour le Grand Prix de l’Automobile Club de France. Un véritable campement fut mis en place pendant toute la durée de l’épreuve. Scott, le dessinateur de « L’Illustration », immortalisa ces journée par un magnifique dessin publié dans cette revue.

Le 1er janvier 1907, le club, en assemblée générale, décida à l’unanimité de porter désormais le titre seul d’Automobile Club du Périgord, titre qu’il a toujours conservé, avec ce simple ajouté : « Ancien V.C.P et V.C.P-A.C.D. » pour établir la liaison entre ces différents titres s’appliquant à la même société.

Pourtant, si, officiellement, la « petite reine » avait disparu du club, elle n’en resta pas moins dans les cœurs, principalement dans le cœur du secrétaire général Herment qui n’a pas à compter ses randonnées en vélo sur les grandes routes de France et à l’étranger. On n’oublie pas la bicyclette : elle roulera toujours !

Une fois devenu Automobile Club du Périgord, le club étendit son programme : concours de Tourisme, rallyes papers, rallyes ballons, rallyes rébus, jusqu’aux rallyes sangliers !

Les campings furent de mode dans une abondante floraison de manifestations sportives et touristiques, mais ce fut surtout dans les voyages que se déploya l’activité de l’Automobile Club du Périgord ; elle n’a cessé de s’accroître jusqu’à nos jours.

Avec les voyages, le bulletin prit de l’extension : les brefs comptes rendus du début devinrent d’intéressantes relations, illustrées de nombreuses photos documentaires et artistiques leur donnant l’animation et la vie.

Quelques exemples de voyages : une semaine à Londres en 1908, la Cerdagne se visita en 1909…

Le voyage en Cerdagne fut brillant. Les Périgordiens reçurent, à Puigcerda, un accueil enthousiaste dans toute une série de réjouissances qui leur ont laissé le plus touchant souvenir. Et les infatigables voyageurs d’écrire « Où sont-ils aujourd’hui ces gais amis d’antan : l’Alcade major Monsieur Tixaire, le capitaine de carabiniers Rodriguès, le juge municipal Jaime Esteva, Monsieur J.marty et les autres… ? L’hymne sacré de « La Sarsana », qu’on entendait debout et chapeau bas, ne réveille plus les échos de Puigcerda ! »

Le 9 avril 1910, on fêta la vingtième année de la présidence du comte Félix de Fayolle avec la remise de la grande médaille décernée par l’Automobile Club de France, et, cette même année, le 17 juillet, l’Automobile Club du Périgord partait pour la Bretagne : Ste Anne-d’Auray,  Pointe-du-Raz, Dinard, Mont Saint-Michel ; ce fut (en breton) l’ « E Bro ar Brezonek ».  

L’année 1911 vit le premier voyage en Italie, par le mont Genèvre, pour aller visiter l’exposition de Turin, avec retour en France par la vallée d’Aoste, Courmayeur et le Petit Saint-Bernard. A cette randonnée se rattache la solennelle réception qui fut faite par Monsieur Daubrée, directeur de la maison Michelin à Turin.

En 1912, l’Automobile Club du Périgord franchit les Pyrénées au col de Ronceveaux en direction de Pampelune. Là les voyageurs assiéront à une magnifique course de taureaux donnée pour les fêtes de la Saint Firmin. Puis le voyage se poursuivit par Loyola, Bilbao et retour par Saint-Sebastien.

L’année 1913 fut celle du voyage en Périgord, du président de la République Raymond Poincaré. L’Automobile Club eut l’honneur de fournir des voitures pour le cortège officiel. Elle s’illustra aussi par un exercice nouveau : le mémorable déjeuner au Sauterne auquel nous convia, au château de Sigalas-Rabaude, un des adhérent : Sigalas.

Ce fut épique : tous les Sigalas-Rabaud, crème de tête, des années les plus reculées jusqu’à nous jours, défilèrent, les plus jeunes en avant, vieillissant à vue d’œil. Un vibrant coup de trompe annonçait l’apparition de chaque année dans un rayonnement de soleil et d’or. En final, un formidable baptême acépéen au Sauterne clôtura la série des Sauternes et terminera la… randonnée. Un problème, qui ne fut jamais tellement éclairci, fut de savoir comment, ce jour là, les joyeux automobilistes rentrèrent chez eux, en auto et sans accroc ! Le bulletin en publia une relation ; elle s’appelait « Printania », l’auteur y fut correct et ne parla pas du problème du retour, laissé en suspens…

Voici l’été 14. Le 18 juillet 1914, l’Automobile Club du Périgord est à Genève. Les dernières heures de La Belle Epoque sonnent. Dans quelques jours, le monde basculera dans ce qui deviendra La Grande Guerre. Une autre histoire…